La Fed énonce les risques sociétaux d’une crypto-monnaie émise par une banque centrale
Le gouverneur Jerome Powell expose l’antagonisme entre la sécurité à base de cryptographie avancée et la transparence requise par la lutte contre le détournement du système monétaire, avec atteintes probables à la vie privée.
Une monnaie en blockchain (DLT) émise par une banque centrale se heurtera à d’autres défis que les cadres légaux et contractuels ou d’organisation, déjà décrits par la BCE et SWIFT. Selon le gouverneur Powell, ces cryptomonnaies vont focaliser sans tarder le vol numérique et la contrefaçon, du fait de leur utilisation universelle dans leur économie. Lutter contre les cyberattaques requiert la cryptographie la plus avancée. Dans le même temps, celle-ci favorise l’anonymat des transactions et, ainsi, son détournement : financement du crime, blanchiment.
Pour éviter alors d’affaiblir la sécurité, au profit de la traçabilité des transactions suspectes, l’unique alternative serait un registre central de l’émission de chaque e-devise. Le stockage de chaque transaction individuelle pourrait même être requis, afin de pouvoir en vérifier l’authenticité, a posteriori. Détenir de tels enregistrements fait toutefois peser un grave risque sur la vie privée, en dépit de tout régime légal protecteur qui serait garanti. Ces mécanismes sont de nature à fortement réduire l’acceptation de cette innovation par le public.
Indépendamment de cela, le gouverneur souligne aussi que, du fait de son cours légal, une devise de banque centrale évincerait les cryptomonnaies privées, dont l’acceptation ne pourrait pas être universelle. Cela dissuaderait donc les initiatives rivales, et donc l’innovation privée, sur une technologie au potentiel pourtant énorme.
Notre analyse - Adopter une monnaie centrale numérique : quelle valeur pour le public ?
Presque toutes les banques centrales des Etats émergents et développés préparent ou achèvent l’expérimentation d’une e-devise, ou cryptomonnaie centrale. Trois pays ont déjà donné cours légal à une telle devise en blockchain, émise par leur institut d’émission à parité avec sa devise conventionnelle : la Tunisie, la Barbade et le Sénégal. Or ce dernier, comme pour illustrer la réflexion de l’US Fed, a opté pour une cryptographie renforcée et pour la transparence poussée des transactions. L’eCFA, émis par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), doit se généraliser dans toute la zone franc CFA : Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Burkina Faso, Bénin, Togo et Guinée-Bissau.
Sont également engagés sur des projets de cryptomonnaie centrale le Royaume-Uni, la France, le Canada, les Pays-Bas, la Russie et les Etats-Unis. Ils suivront avec at¬¬tention l’appropriation par le public de l’eDinar, de l’eCFA et du dollar numérique à la Barbade.