La BCE étudie l'ampleur du potentiel et des perturbations liées aux technologies blockchain
Jugeant prématuré le recours à la technologie du registre distribué pour les infrastructures de l'Eurosystème, la BCE anticipe les répercussions à long terme sur le système bancaire, l'économie et la croissance.
La BCE a lancé la migration de TARGET2 (paiements) vers sa plus récente plateforme TARGET 2 Securities (T2S, titres). L'une des technologies sous-jacentes envisagées est celle du registre distribué (distributed ledger technologies, DLT) ou blockchain. D'après le gouverneur Yves Mersch, elle est « techniquement supérieure en termes de fiabilité et d'efficacité ». Toutefois, il reste à préciser les répercussions sur le système monétaire et sur l'ensemble de l'économie.
Si les DLT devaient être retenues pour T2 et T2S, il faudrait décider qui accède à la monnaie centrale (de la BCE), via le registre décentralisé - tant pour le règlement des paiements que pour celui des titres. Seules les banques ? Ou bien également les contreparties centrales, comme les CSM ou les dépositaires centraux de titres ? En fait, même les prestataires financiers non-banques le pourraient, voire les personnes. Ces dernières y seraient habilitées via leurs comptes bancaires ou de paiement, ou détiendraient même directement leurs avoirs numériques dans les livres de la BCE. L'impact sur le modèle économique des banques commerciales pourrait être énorme. Comment distribueraient-elles le crédit ? Comment se transmettraient les impulsions monétaires de la BCE ? Et quelle serait la conséquence sur le seigneuriage monétaire – une source non négligeable de revenus de la BCE – ainsi que sur les pièces et billets ? L'inclusion financière sera-t-elle ébranlée et, dans la foulée, la prospérité et la croissance de toute l'économie ?
Dans une étude interne ciblant le dénouement des transactions sur titres (post-trading), la BCE indique que les DLT, malgré leur immense potentiel, butent encore sur plusieurs obstacles. Outre une fiabilité encore peu éprouvée et l'absence de choix de gouvernance, elles ne suffiraient pas à remplacer la totalité des fonctions centrales requises d'infrastructures financières.
Notre analyse : Prudence des institutions face à une solution disruptive
Partageant l'approche de la BCE, SWIFT participe à l'innovation en mode collaboratif, sans engager encore d'investissements significatifs. Le réseau / plateforme interbancaire n'évoluera pour fournir des services à base de DLT que lorsque plusieurs “facteurs critiques” seront résolus : contrôle des données, capacités évolutives, cadre réglementaire, gouvernance robuste, standardisation et, bien entendu, sécurité.
Un engagement plus poussé contribuerait certes à établir la gouvernance et le contrôle de données souhaités, ainsi qu'à inspirer le degré voulu de réglementation. Pour autant, SWIFT participe déjà à plusieurs initiatives de normalisation : le projet Hyperledger de la fondation Linux et le consortium R3 sur la blockchain.