Interview Exclusive : Une success-story nommée SlimPay
SlimPay est une FinTech française, spécialisée dans le paiement par prélèvement SEPA, qui trace un chemin original sur le marché depuis 2010. Elle propose un service dédié à l’encaissement d’abonnements et de paiements récurrents. Plus globalement, elle accompagne ses clients dans leur transformation digitale, notamment dans la gestion des nouveaux usages. Son objectif : simplifier le parcours d’enrôlement en ligne des clients et fluidifier le processus de paiement pour ses entreprises clientes.
La start-up, qui a accompagné la vague des nouveaux comportements nés de l’économie « à l’usage », s’apprête à vivre une nouvelle révolution : celle qu’annonce la mise en œuvre de la seconde directive sur les services de paiement (DSP2).
Interview du co-fondateur et PDG de la FinTech, Jérôme Traisnel.
Comment avez-vous eu l’idée de créer SlimPay ?
C’était en 2010, j’avais déjà créé d’autres start-up, notamment une dans le mobile (NDLR : Freever, qui proposait de créer et gérer des communautés sur mobile). On monétisait les services mobiles et j’avais rencontré, en tant que marchand, des difficultés autour de la phase de paiement.
D’un autre côté, la révision de la première directive sur les services de paiement (DSP1) était en cours d’élaboration. La régulation étant favorable aux acteurs innovants, ces derniers pouvaient désormais proposer des services de paiement. Nous y avons vu l’opportunité de répondre aux besoins des commerçants, en adoptant de nouveaux modèles et en apportant de l’innovation.
C’est ainsi que nous nous sommes lancés dans le prélèvement SEPA, après avoir constaté que ce service de paiement était très centralisé chez les grands créanciers et grands facturiers. C’était l’occasion pour nous de démocratiser ce modèle et de le rendre compatible avec la digitalisation. La mise en place d’un parcours complétement digital a permis de le rendre accessible à de plus petits créanciers.
SlimPay est lancée depuis maintenant 8 ans et a réalisé plus de 4 000 % de croissance en seulement 4 ans. Comment se développent vos activités actuellement ?
Nous avons réalisé une levée de fonds de plus de 15 millions d’euros en 2015. Notre objectif, depuis, est de nous développer en Europe.
Aujourd’hui nos investisseurs sont internationaux (notamment néerlandais). Notre société s’est aussi ouverte à l’international en intégrant des collaborateurs de 20 nationalités différentes (SlimPay compte 70 personnes actuellement).
Le fait de se confronter à l’international nous a finalement permis de nous renforcer sur notre marché domestique. Au lieu de nous enfermer dans une vision trop « franco-française » du paiement, ce qui serait à mon sens une erreur, nous avons regardé ce qui se passait ailleurs, notamment ce que font les Anglo-saxons ou les Allemands.
A ce jour, nous avons relativement bien réussi dans cette stratégie : 30 % de notre nouveau chiffre d’affaires vient de l’international ; l’idéal pour nous serait d’atteindre les 60 %. Nous progressons rapidement en Espagne, Italie et Allemagne.
Quel est votre modèle économique ?
Nous avons un modèle transactionnel, ce qui est assez classique dans les paiements. Il n’y a pas de coûts fixes, ni d’abonnement. C’est un modèle purement en mode SaaS. La connexion à nos services s’effectue via une API, c’est-à-dire que nous avons une interface de programmation unique qui permet de tout faire (front- et back-office).
Nous estimons que nous sommes un peu en avance par rapport aux autres acteurs du marché. Nos clients ne veulent plus installer de logiciel ; aussi l’accès au service SlimPay s’effectue simplement, avec peu de développement pour eux. Ils veulent pouvoir intégrer nos solutions dans des propositions de valeur plus complexes. A l’instar de la SNCF qui utilise notre service dans le cadre de TGV Max : ce dernier encapsule l’offre de SlimPay dans le service de Salesforce.
Aujourd’hui il y a une très forte demande des marchands pour raccourcir les délais des projets, et mettre en œuvre très rapidement leurs idées.
Vous vous êtes implantés dans plusieurs capitales européennes ; qui sont vos concurrents en France et en Europe ?
Nous avons plusieurs types de concurrents mais qui ne sont jamais frontaux. D’un côté les banques pourraient être perçues comme des concurrentes ; mais elles proposent généralement une offre « sèche » de paiement, sans API. A contrario, notre offre peut être intégrée par de grands éditeurs, comme Salesforce.
Nous sommes aussi en concurrence avec d’autres FinTechs, qui n’ont pas tout à fait la même couverture : c’est le cas de GoCardless (Angleterre), Olkypay (Luxembourg), SEPAexpress (Allemagne) ou Besepa (Espagne). Certaines de ces sociétés ne fournissent qu’une prestation de processeur technique, et ne proposent pas l’ampleur des fonctionnalités proposées par un établissement de paiement.
Enfin, certains grands PSP (Prestataires de Services de Paiement) techniques peuvent aussi proposer une offre de prélèvement SEPA. Mais c’est rarement le cas, nous pouvons donc opérer comme leur partenaire sur ce moyen de paiement.
SlimPay est également présente aux Etats-Unis et a signé l’an dernier un partenariat avec Zuora. Comment vous y êtes-vous développés ?
Le marché américain est un peu particulier. Notre présence dans ce pays est liée au fait qu’il y a beaucoup de sociétés américaines qui travaillent dans l’abonnement et qui commercialisent des services en Europe. Pour y opérer, elles ont besoin d’être accompagnées pour choisir les bonnes méthodes de paiement européennes. Nous faisons donc de l’évangélisation sur le SEPA et sur les habitudes de paiement spécifiques à l’Europe.
Le partenariat que nous avons passé avec Zuora, qui est basée San Francisco, est donc un partenariat mondial.
Quel est le prochain marché que vous visez ?
Géographiquement parlant c’est le marché européen. La zone SEPA comprend 35 pays, qui représentent un potentiel certain de développement de notre activité.
En termes d’offre, nous allons renforcer notre activité carte. Il s’agit pour nous d’un complément au SEPA Direct Debit (NDLR : SDD, ou prélèvement SEPA) et nous permet de proposer une offre globale.
Vous avez lancé une offre adaptée aux petites structures, baptisée SlimPay One. Vous a-t-elle permis d’élargir votre cible ?
Pour nous c’était important de proposer ce type d’offre, car elle nous a conduits à une exigence plus forte de qualité et de simplification de notre service. Avec SlimPay One, nous avons travaillé à automatiser l’intégration du service par le client. Le travail de packaging est en effet très important pour simplifier notre offre.
Vous venez tout juste de signer un accord avec Ingenico pour le prélèvement SEPA. Que recouvre ce partenariat ?
Il s’agit d’un partenariat technique et commercial : nous allons fournir en marque blanche l’accès à toute notre technologie et à nos services.
Mais Ingenico n’est pas le seul PSP avec lequel nous travaillons ; il devrait y avoir d’autres annonces de partenariats. Pour nous c’est une façon de démultiplier notre approche du marché.
Ce type d’offre n’est d’ailleurs pas réellement en concurrence avec notre offre directe. Nos clients directs sont des commerçants dont l’activité repose en très grande majorité sur la vente d’abonnements. A contrario, les clients d’Ingenico sont principalement sur des paiements ponctuels et peuvent, à la marge, avoir besoin de services de prélèvement par abonnement.
« Subscription Lab » est le premier show-room du commerce par abonnement. Vous l’avez inauguré il y a plus d’un mois, quelles étaient vos motivations ?
Souvent le travail de l’initiateur de paiement est de parler de la technique, ce qui n’intéresse pas grand monde. Ce qui intéresse en revanche, ce sont les changements qui s’opèrent dans les habitudes du consommateur via l’économie de l’usage et ce qu’on appelle le « pay as you go ».
Notre capacité à accompagner nos clients dans la transformation de leur modèle économique repose sur deux éléments : la digitalisation des parcours et le changement du comportement du consommateur. Nous pensons que les personnes les mieux placées pour en parler sont nos clients. L’idée du « Subscription lab » est donc de mettre l’abonnement et la souscription au cœur du dispositif et de pousser nos clients à venir faire une démonstration de ce qu’ils ont fait de notre service.
Jusqu’à présent nous avons reçu sept sociétés, à l’image de Taxi Bleu, qui a lancé une offre d’abonnement pour les hôtels et tous les commerces qui peuvent accéder à un service de taxi.
L’idée est de faire réfléchir les départements marketing et financiers autour des modèles économiques nés de la digitalisation et du changement d’usage du consommateur.
Après une première édition plutôt réussie, nous pensons organiser le Subscription Lab de façon plus régulière ; nous pourrions aussi le décliner dans d’autres pays.
L’impact de la DSP2 sur l’écosystème européen est considérable, quelles mesures prévoyez-vous ?
L’idée de la DSP2 est d’ouvrir le marché et de créer des opportunités pour les acteurs du paiement. Pour nous, au-delà du texte, il est important de définir ce que nous allons pouvoir proposer comme service et comme expérience client.
Nous sommes actuellement en pleine phase de réflexion et en attente des initiatives du marché. L’implémentation d’applications tierces, comme le prévoit la DSP2, pourrait mettre du temps avant d’être effective.
Quels sont vos projets et perspectives pour les prochaines années ?
Notre expansion géographique est une priorité, en essayant de gagner des grands contrats à l’international.
Le développement de la ligne de produit carte va aussi nous permettre de nous positionner comme un spécialiste de la monétisation de l’abonnement et pas uniquement du prélèvement.
Enfin, nous comptons beaucoup sur notre ligne de produit pour compte de tiers à destination des PSP souhaitant avoir une approche unique. La DSP2 pourrait être pour nous une grande opportunité dans cette voie. Néanmoins, nous ne comptons pas uniquement là-dessus, dans la mesure où le timing reste encore incertain.